Auteur(s) : Caroline Julliot
Ce texte peut être téléchargé, dans la mise en page de son auteur, au format pdf.
La littérature du XIXème siècle a créé une figure originale, on pourrait même dire un mythe : le personnage du Grand Inquisiteur. Certes, celle-ci s’inspire sur certains points des traditions précédentes, en particulier la critique anticléricale des Philosophes des Lumières et du roman gothique anglais ; mais, établissant une synthèse inattendue entre ces deux univers, faisant, comme nous allons le voir,cohabiter au sein de ce personnage des caractéristiques a priori inconciliables, elle réinvente l’imaginaire lié à ce thème, et met ainsi en scène des problématiques nouvelles, propres à son époque.
C’est dans ce contexte de construction d’un type nouveau que s’inscrivent le drame de Hugo, et dans une moindre mesure, Notre-Dame de Paris. La gestion longue et difficile de l’une des œuvres qui a le plus contribué à forger le mythe du personnage, le drame Torquemada, du projet de la pièce, vers 1830, à sa publication, en 1882, couvrant une bonne partie du siècle, constitue un témoignage hautement représentatif des hésitations et des évolutions typiques de cette période.
Le Grand Inquisiteur : une création du XIXème siècle
Etonnamment, la critique de l’Inquisition, même chez les anticléricaux, était peu répandue avant le XVIIIème siècle. Les exemples de son utilisation littéraire sont isolées : par exemple, chez Cyrano de Bergerac, elle sert de contre-modèle utopique : l’Inquisition est évoquée dans Les Empires de la lune comme l’attitude inverse de l’ouverture d’esprit scientifique, que le narrateur rencontre lors de son voyage. Le recours à l’Inquisition devient un lieu commun du discours philosophique à la période des Lumières, et se nourrit avant tout des récits des voyageurs, notamment celui de Charles Dellon, médecin qui fut emprisonné dans les cachots du Saint-Office de Goa[1] : L’Inquisition constitue, dans le discours anticlérical, la manifestation la plus éclatante de l’archaïsme et de l’arbitraire catholique, la marque absolue de l’obscurantisme religieux. Devenue le symbole de l’Ennemi contre lequel les philosophes luttent, l’Inquisition s’oppose du tout au tout au progressisme des Lumières, comme le montre cette citation de Montesquieu, reprise dans l’article « Inquisition » de l’Encyclopédie, écrit par Voltaire : « Si quelqu’un dans la postérité ose dire qu’au XVIIIème siècle tous les peuples de l’Europe étaient policés, on citera l’Inquisition pour prouver qu’ils étaient en grande partie des barbares. » [2]
L’Inquisition est bien sûr dénoncée avec virulence, mais en tant que système, qui encourage la délation et récompense les bas instincts – comme le résume Voltaire dans cette citation, qui ouvre l’article « Inquisition » de son Dictionnaire Philosophique : « L’Inquisition est comme on sait, une invention admirable et tout à fait chrétienne pour rendre le pape et les moines plus puissants, et pour rendre tout un royaume hypocrite » [3]. Les Inquisiteurs y sont, dans les narrations, peu individualisés : ils sont traités comme un rouage de cette machine inique, au même titre que les « familiers » ( espions laïcs à la solde du Saint-Office ). Un fait révélateur, sur ce point, est que, si l’on trouve une entrée « Torquemada » dans l’Encyclopédie, elle n’est pas consacrée à l’Inquisiteur, mais au petit village espagnol du même nom…
Tout change au XIXème siècle : chez Hugo comme chez les autres, le Grand Inquisiteur devient le responsable unique des persécutions, qui sont expliquées avant tout par sa personnalité. J’en veux pour exemple cet extrait de la Légende des Siècles, qui semble faire du Grand Inquisiteur le seul acteur de l’Inquisition :
Cette torche lugubre, âpre, jamais éteinte,
Sombre, que vous nommez l’Inquisition sainte,
Quand j’ai pu voir comment Torquemada s’y prend,
Pour dissiper la nuit du sauvage ignorant… [4]
Cette personnalisation est d’ailleurs d’autant plus frappante que cette accusation, formulée par un volcan péruvien, divinité païenne, gardienne d’une sagesse archaïque, ne correspond pas du tout à la réalité historique, puisque Torquemada n’a, en fait, jamais quitté l’Espagne… A cette période, le Grand Inquisiteur est donc devenu un symbole, résumant à lui seul l’Inquisition.
Cette personnalisation du thème va alors de pair avec un changement de registre dans le ton utilisé pour évoquer le personnage. Au XVIIIème siècle, le discours polémique s’indigne des abus inquisitoriaux, les récits insistent sur l’horreur des pratiques… mais, à l’inverse, les fictions de Voltaire ( Candide, Scarmentado ) ou Lesage ( Gil Blas, Estevanille Gonzalès ) raillent l’inquisiteur comme un personnage ridicule ; il est un joyeux hypocrite, un être sans foi qui ne cherche en général qu’à tirer parti de sa fonction pour assouvir ses désirs sexuels ou s’enrichir ; ainsi, Voltaire, à l’article « Inquisition » de son Dictionnaire Philosophique, n’évoque-t-il que Saavedra, un habile imposteur qui s’était enrichi au Portugal en prétendant être, fausses lettres officielles à l’appui, le Grand Inquisiteur nommé par le pape dans ce pays. Même lorsqu’il s’agit d’un tortionnaire dangereux et malveillant, faisant peser sur ses victimes un danger bien réel, comme dans Aline et Valcour, de Sade, le Grand Inquisiteur est tourné en ridicule : il suffit qu’une belle fille, pour lui échapper, lui fasse croire à l’amour, pour qu’il devienne immédiatement doux comme un agneau ; le héros masculin, Sainville, même prisonnier au fond des cachots du Saint-Office, n’éprouve d’ailleurs vis-à-vis de lui qu’une condescendance amusée : « Partout ailleurs, j’avoue que le rire eût été ma seule réponse à des balourdises de cette espèce ; on n’imagine pas le mépris qu’inspire un juge quelconque, quand, renonçant à l’austérité de son ministère, il en descend, par libertinage ou par bêtise… » [5]. A l’inverse, au siècle suivant, évoquer le spectre du Grand Inquisiteur est une chose grave.
Au XIXème siècle, en effet, le personnage fait peur. Il est menaçant, terrifiant, se pare même d’une aura presque fantastique. Rares sont les auteurs qui, dans l’esprit des Lumières, se risquent à rire de lui, à l’instar de Mérimée dans sa saynète « Le Ciel et l’Enfer »[6]. Le thème se charge en effet de l’imaginaire construit à la fin du XVIIIème par le roman gothique anglais : pour les auteurs romantiques, nourris de cet imaginaire, les deux univers sont irrémédiablement liés – comme le montre la remarque de Théophile Gautier, citant d’emblée l’une des auteurs phares de ce genre pour décrire le couvent inquisitorial qu’il est en train de visiter, celui de San Juan de los Reyes : « nous errâmes longtemps dans l’édifice abandonné, ni plus ni moins que des héros d’Anne Radcliffe (…) on s’attend toujours à rencontrer au détour d’une arcane un ancien moine au front luisant, aux yeux inondés d’ombre, marchant gravement les bras croisés sur sa poitrine, et se rendant à quelque office mystérieux dans l’église profanée et déserte… »[7]. L’atmosphère étouffante des cloîtres, les couloirs obscurs, la séquestration et la torture, l’atmosphère surnaturelle des romans frénétiques anglais s’intègrent naturellement aux fictions sur l’Inquisition.
Mais dans cette filiation non plus nous ne pouvons pleinement situer l’origine du personnage du Grand Inquisiteur : dans les romans gothiques, l’Inquisition, loin d’être le tribunal inique que dénoncent les philosophes des Lumières, est une instance juste, qui châtie les excès des moines pervers et libère les innocents. L’Inquisiteur y est peut-être le seul moine qui fait preuve de droiture, face aux débordements, comme le dit Edward Peters dans son étude Inquisition : « Malgré leur théologie irrationnelle, leurs procédures injustes et la dureté de leur cœur, les inquisiteurs gothiques servent souvent le propos, plus ample, de la Justice littéraire : les innocents sont toujours relâchés. » [8] Si la caractérisation du Grand Inquisiteur au XIXème siècle s’inspire sûrement de la tradition gothique du moine malfaisant, mi-homme mi-spectre, en particulier de la figure du dominicain Schedoni dans Le Couvent des Pénitents noirs, d’Ann Radcliffe, il faut insister sur le fait que ces figures diaboliques ne sont jamais rattachées à l’Inquisition : s’ils peuvent tenter d’utiliser cette institution pour accomplir leurs méfaits, et se venger des héros, ils ne peuvent parvenir à leurs fins ; ce sont les Inquisiteurs qui permettent le retour à l’ordre, et l’union des amants séparés par les religieux pervers, qu’il s’agisse de Schedoni, du moine ou de l’Abbesse, dans les romans éponymes de Lewis et de William Ireland. Le Grand Inquisiteur du XIXème siècle condenserait ces deux figures gothiques : il ressemble aux sombres moines qui hantent cet imaginaire, mais sont animés par la même aspiration à la justice que les inquisiteurs de ces romans.
Nous pouvons donc considérer que ce personnage est une création du XIXème siècle : le Grand Inquisiteur tel que le réinvente le romantisme n’est ni le libertin jouisseur et ridicule des Lumières, instrument d’un pouvoir toujours choquant et arbitraire, ni un moine artificieux et manipulateur comme l’est Schedoni chez Radcliffe, ni le juge impartial, garant du retour à l’ordre, des romans gothiques. Il est une figure profondément originale, une synthèse étrange de ces deux traditions : il est l’incarnation d’un pouvoir injuste, mais qui est profondément sincère, qui ne cherche en aucun cas à agir pour son profit personnel, qui croit vraiment servir Dieu : ainsi, chez Hugo, il force le roi à refuser l’or des juifs, que le grand Rabbin était venu offrir pour faire cesser les persécutions contre son peuple ; dans le discours de Torquemada, le mépris de l’argent est palpable ; il s’écrie avec extase, devant l’évocation d’un bûcher : « Oh genre humain, je t’aime ! » [9]
On peut d’ailleurs considérer que le passage du type des Lumières au type romantique est mis en scène par Mérimée au début de la saynète du Théâtre de Clara Gazul intitulée « La Femme est un diable » : Domingo et Rafael, deux inquisiteurs corrompus, l’un glouton, l’autre débauché, véritables caricatures à la Voltaire, sont placés brusquement sous l’autorité d’un jeune inquisiteur, Antonio, préfiguration du type nouveau : « le drôle est de bonne foi (…) ou je me trompe fort, ou c’est un véritable Loyola. On dit qu’il en est à ne pas pouvoir distinguer un homme d’une femme. Oh, c’est un saint. »[10]. L’Inquisiteur, au XIXème siècle, est motivé exclusivement par son désir de faire triompher sans partage l’ordre voulu par Dieu – comme le montre le jeu scénique que propose Hugo pour son Torquemada : « Il a l’œil fixé sur le crucifix » [11], « ne voyant rien autour de lui » [12].
Pourquoi cette création ? Le jacobin réincarnation du Grand Inquisiteur.
Partant de l’idée qu’une telle réinvention de l’Histoire et de la tradition littéraire devait être motivée par les mutations du contexte socio-politique, créant des angoisses et des interrogations nouvelles vis-à-vis du pouvoir et du bien-fondé de l’utilisation de la violence, j’ai cherché à mettre en évidence la rupture qui, dans l’imaginaire collectif, pouvait justifier le passage d’une représentation de l’Inquisition à l’autre. Je me suis très vite heurtée à ce que l’on pourrait nommer l’événement fondateur du XIXème siècle : la Terreur. « Terreur » est le terme que l’on trouve systématiquement et de façon répétitive dans les fictions, pour décrire la peur que provoque l’Inquisiteur chez ceux qu’il côtoie.
Le personnage de l’Inquisiteur, décrit comme effrayant mais sincère, aurait donc pu permettre, en particulier pour les républicains, de mettre en scène de façon indirecte les problématiques liées à 93, mais en empruntant un cadre historique lointain, qui n’était plus passionnel, car ne correspondant plus à aucune institution réelle (l’Inquisition, même en Espagne, est supprimée par Napoléon en 1802, puis, après un court temps de rétablissement, définitivement par les Cortes, en 1812 ). Nombreux en effet sont les auteurs qui ont superposé l’image de l’Inquisition à leur description de la Terreur : de Louis Blanc à Adolphe Thiers, en passant par Michelet, l’analogie est récurrente, pour ne pas dire obsessionnelle. Et surtout, ce rapprochement entre ces deux réalités historiques pourtant a priori ennemies ne se limite pas à l’analyse d’une ressemblance dans les moyens expéditifs de gouvernement, les condamnations en chaînes allant jusqu’à se fonder sur des délits d’opinion – notamment avec la « loi des suspects », à propos de laquelle Pierre Larousse écrit que « c’était l’Inquisition pure » [13] ; c’est surtout par un portrait, archétypal ou psychologique, des acteurs de 93 que l’analogie avec le Saint-office s’impose. Et derrière la caractérisation qui est faite des révolutionnaires français, se précise le nouveau portrait du Grand Inquisiteur, tel que le réinvente le XIXème siècle. Cette conjonction entre les deux univers s’opère en effet à plusieurs niveaux.
Dans le portrait qui est fait des jacobins, tout d’abord ; je me contenterai ici de citer en exemple deux extraits de Michelet et de Louis Blanc, repris dans l’article « jacobin » du Grand Larousse du XIXème [14] : « les jacobins, par leur esprit de corps qui alla toujours croissant, par leur foi ardente et sèche, par leur âpre curiosité inquisitoriale, avaient quelque chose du prêtre. Ils formèrent, en quelque sorte, un clergé révolutionnaire » ( Michelet ) ; « des croyances raides, une sorte de fanatisme calculé, l’intolérance au profit de nouveautés hardies, le goût de la domination, et, au fond, l’amour de la règle, voici (…) de quels traits se compose l’esprit jacobin. Le véritable jacobin fut quelque chose de puissant et de sombre, qui tenait le milieu entre l’agitateur et l’homme d’Etat, (…) entre l’Inquisiteur et le tribun. De là, cette vigilance farouche transformée en vertu, cet espionnage mis au rang des procédés patriotiques, et cette manie de dénonciation qui commença par faire rire et finit par faire trembler » ( Louis Blanc ). D’ailleurs, de nombreux auteurs voient dans le lieu choisi pour leurs réunions la confirmation de cette influence dominicaine, et donc, dans l’imaginaire, inquisitoriale : « ce couvent de la rue Saint-Honoré, à Paris, où les dominicains jacobins imprégnèrent si bien les murs de passion purgative que le club d’athées qui l’occupa après les en avoir chassés adopta, avec leur nom, leur furie répressive » [15], comme le dira Paul Morand au XXème siècle, joue le rôle de preuve symbolique d’une filiation entre ces deux ordres ennemis : entre dominicains et révolutionnaires, entre moines et athées, les buts sont différents, mais les procédés sont les mêmes. Aux inquisiteurs médiévaux catholiques ont succédé les inquisiteurs modernes, nourris du progressisme des Lumières.
Des rangs des jacobins, ensuite, émergent deux figures de premier plan, représentant les deux grandes tendances de ce qui sera le personnage du Grand Inquisiteur : Marat et Robespierre ( je passerai ici sur le cas de Vadier, chef du comité de la sûreté générale et surnommé par Camille Desmoulins « le Vieil Inquisiteur », peu connu au XIXème siècle ). Robespierre représentera le fanatique « rationaliste », froid et insensible au premier abord, mais cachant souvent, à l’instar de Schedoni et de Frollo, une nature emportée et violente ; Marat sera le modèle de l’Inquisiteur exalté, que reprendra Hugo pour le personnage de Torquemada.
Dans les représentations du XIXème siècle, les révolutionnaires comme les inquisiteurs sont prêts à employer tous les moyens pour faire triompher leur foi. Ainsi, la caractérisation nouvelle de l’Inquisiteur, comme sincère, ouvre aux auteurs un nouveau champ d’interrogations, bien plus troublantes qu’au siècle précédent : il ne suffit plus d’affirmer que les abus de pouvoir, les exécutions impitoyables, sont exclusivement commis par des cyniques ou des fanatiques qui refusent les idéaux des droits de l’homme. Le Grand Inquisiteur est un contre-modèle, car il se fourvoie et fait périr des innocents sans douter un seul instant de son jugement ; mais un contre-modèle fascinant, car son but est noble, et la détermination et l’énergie qu’il met en œuvre pour le réaliser forcent le respect, pour ne pas dire l’admiration des auteurs. Comment en effet condamner sans appel les violences commises au nom d’une religion dont on reconnaît les valeurs, alors que l’on veut défendre les exécutions de la Terreur comme un mal nécessaire ? Suite à la Terreur, la question de la contradiction entre la fin et les moyens prend ainsi une nouvelle résonnance : il n’est plus possible de se contenter d’évoquer l’hypocrisie, comme on réglait un peu vite la question au XVIIIème ; il s’agit plutôt de creuser, notamment par la mise en scène du personnage de l’Inquisiteur, les errances possibles de l’esprit humain, d’interroger la frontière poreuse entre la détermination et la rigidité, entre le combat pour la vertu et la cruauté. Par le personnage du Grand Inquisiteur, les auteurs chercheront en fait finalement à répondre à une seule interrogation, qui a eu une actualité brûlante avec la Terreur : « Comment une religion toute d’amour et de tolérance a-t-elle pu être amenée à brûler vifs tous ceux qui n’acceptaient pas librement ses enseignements ? tel est le problème . »[16]
Hugo est, sur ce point, extrêmement représentatif de cette nouvelle caractérisation de l’Inquisiteur, issue de la conjonction étonnante entre ce thème et celui de la Terreur, qui occupe souterrainement tout le XIXème siècle. La gestion difficile de son Torquemada témoigne du fait que « montrer que l’on peut devenir brûleur d’hommes par charité » [17] ne va pas de soi, et pose de nombreux problèmes moraux et poétiques. Hugo, comme nombre de ses contemporains, est convaincu que le profil psychologique de l’inquisiteur est le même que celui du jacobin, comme le montre cette citation de 1840, concernant un certain C., non identifié par ailleurs : « il eût été à coup sûr un excellent inquisiteur général au XVIème siècle, et un excellent terroriste en 93. »[18]. A l’époque, la représentation qu’il fait de ce caractère type est clairement négative ( « Il est absolu, tranchant, extrême, envieux, vaniteux, esprit faux, cœur froid » ) ; mais, une fois rallié à la défense de la Terreur comme « mal nécessaire », il retravaillera le projet de sa pièce en proposant une vision plus ambiguë du personnage, conforme à l’ambivalence qu’il nourrit vis-à-vis de l’un des modèles évoqués pour le personnage, Marat ; toute sa pièce répondrait ainsi indirectement à cette question de Michelet : « je savais, par beaucoup d’exemples, combien le sentiment du droit, l’indignation, la pitié pour l’opprimé peuvent devenir des passions violentes, et parfois cruelles (…) Marat n’a-t-il été furieux que par sensibilité, comme plusieurs semblent le croire ? » [19]
Hugo, par son attitude complexe et ses propres ambivalences vis à vis de 93, s’inscrit donc, par ce rapport à la Terreur comme constitutif de sa représentation de l’Inquisiteur, dans cette évolution des représentations propre à cette époque. Bien que créant l’une des figures d’inquisiteur les plus marquantes de toute la littérature, son Torquemada rejoint, par bien des aspects, le type créé au cours du siècle – et dont nous allons voir maintenant les caractéristiques principales.
Portrait du Grand Inquisiteur
La caractéristique principale du Grand Inquisiteur est qu’il constitue un personnage spectral, lié à l’imaginaire gothique : sa longue et maigre silhouette noire encapuchonnée évoque irrésistiblement un fantôme, d’autant plus que les auteurs insistent souvent sur le teint blafard de son « visage desséché »[20] : « Ce moine à la figure hagarde, comme il est pâle », dit-on chez Hugo ; le narrateur du « Puits et le Pendule », de Poe, évoque ses lèvres, « blanches, plus blanches que la feuille » sur laquelle il écrit. Il est, de plus, en général d’un âge extrêmement avancé, entre 80 et 90 ans. Il entretient aussi des liens privilégiés avec la mort, comme peut aussi le montrer le fait que Torquemada, chez Hugo, ait toujours, où qu’il soit, les yeux fixés sur la croix : la religion qu’il sert est une religion mortifère. D’ailleurs, sa première apparition le situe parmi les tombeaux [21] et il est au cours de la pièce, enterré vivant par l’évêque, que son absolutisme dérange [22]. De toutes façons, la confrontation avec le Grand Inquisiteur est toujours, pour les héros, un face à face avec sa propre fin. Le personnage est effrayant d’emblée, du fait de cette nature spectrale.
D’autre part, si le Grand Inquisiteur fait peur, c’est qu’il est l’incarnation du pouvoir absolu : celui qui se trouve soumis à la justice inquisitoriale est à la merci d’une sentence arbitraire, implacable et sans appel. Car le grand Inquisiteur, s’il n’est pas à proprement parler sadique ou cruel, est totalement aveugle à la souffrance humaine, qu’il tient pour quantité négligeable comparée au salut de l’âme, et se montre donc totalement dénué de compassion : ainsi, le Torquemada de Hugo mettra-t-il à mort sans aucune hésitation les deux héros, qui ont utilisé une croix comme levier pour déplacer la pierre tombale qui le retenait prisonnier. Le Grand Inquisiteur ne voit pas l’acte généreux qui lui sauve la vie ; il ne voit que le blasphème commis, et sa propre mission, qui est de châtier le blasphème. De Schiller à Dostoïevski, son apparition frappante, provoquant l’effroi de tous les êtres présents, devient un topos des fictions faisant intervenir ce personnage.
Si ce pouvoir est fascinant, c’est aussi parce qu’il se présente comme un pouvoir occulte, indépendant des institutions humaines. C’est en fait lui, et lui seul, qui règne, sur le peuple comme sur les rois, obtenant leur soumission par un tonitruant « A genoux », dans le drame de Hugo comme dans le Don Carlos de Schiller. Ses décrets ont le poids de la fatalité, car ils s’affirment, avec une force de conviction extraordinaire, comme la volonté de Dieu : « C’est une décision que j’ai prise à genoux, devant la croix ; comment peut-on la discuter ? » s’étonnera ainsi l’Inquisiteur de Montherlant [23]. Au siècle du désenchantement du monde, qui naît de la Révolution et de l’affirmation que les rois ne sont que des hommes, le pouvoir du Grand Inquisiteur garde l’aura surnaturelle et archaïque d’une magistrature de droit divin – même si les égarements de son jugement prouvent qu’il n’est, en fait, qu’un homme.
Le dernier point sur lequel je voudrais insister aujourd’hui, dans ce portrait du Grand Inquisiteur, est son rôle récurrent de briseur de couples, à l’œuvre notamment chez Hugo. Les outils d’analyse que j’ai choisis ici sont d’ordre psychanalytiques, car il m’a semblé que seule cette attention à la fonction symbolique du personnage pouvait rendre compte de la récurrence de certains schémas narratifs, qui survivent malgré l’évolution de la caractérisation du personnage : sous les Lumières, le Grand Inquisiteur, dans Candide de Voltaire ou Aline et Valcour de Sade, voulait séparer l’héroïne de l’homme qu’elle aimait – mais parce que lui-même la convoitait physiquement. Au XIXème siècle, rares sont les inquisiteurs amoureux et jaloux, qui, à l’instar du Pedro d’Arbuès des Mystères de l’Inquisition de Mme de Suberwick, tentent par tous les moyens de ravir une jeune fille non consentante à celui qu’elle aime – ou ce ne sont des inquisiteurs que par métaphore, et donc non liés par des vœux de chasteté, comme Don Blas dans la nouvelle de Stendhal intitulée « le Coffre et le revenant », ou Frederic II dans La Comtesse de Rudolstadt, de George Sand. Ce qui est étonnant, c’est que ce schéma demeurealors que le Grand Inquisiteur semble détaché de tout désir, et rejeter tout plaisir physique, comme le dit le Torquemada de Hugo : « « L’âme hait le contact du corps, vil compagnon » [24]. Même s’il semble, comme c’est le cas chez Hugo ou chez Villiers de l’Isle-Adam, bénir une union qui n’aspire qu’à s’épanouir dans des liens conjugaux, au point de braver l’autorité du roi qui veut, lui, abuser de l’innocence de l’héroïne, il empêche finalement que le couple ne se forme. Il joue ainsi, du point de vue symbolique, le rôle de « père castrateur », que Freud avait analysé à propos du Grand Inquisiteur de Dostoïevski [25] : le Grand Inquisiteur, occupant la fonction de père bienveillant et protecteur, constitue la caution morale qui permet au personnage qui occupe la fonction symbolique de père débauché et injuste ( le roi dans Torquemada ou dans les multiples versions de Don Carlos ) de se débarrasser de son rival, plus jeune et plus aimable, son « fils » symbolique – et ce, bien souvent, pour laisser libre cours à des désirs incestueux sur celle qui occupe la place symbolique de sa « fille ».
A ce titre, il est d’ailleurs révélateur que Charles Baudoin, dans sa Psychanalyse de Victor Hugo, nomme ce qu’il considère comme le principe moteur de son imaginaire « le complexe de Torquemada » : à l’origine, une anecdote survenue au village de Torquemada, lieu de haltelors d’un voyage en Espagne, alors que le petit Victor n’avait que neuf ans. Victor et ses frères s’amusent à escalader les ruines avoisinantes, et Victor, le plus jeune de tous, en voulant monter plus haut que les autres, se blesse au front. Cette histoire, réinterprétée par la psychanalyse, se traduit en terme de châtiment de l’hybris : le fils veut dépasser le père, figuré par les grands frères, et en punition, est castré. Le Grand Inquisiteur est donc cette figure vengeresse, qui vient châtier le fils de vouloir égaler le père – notamment en accédant à l’âge adulte, symbolisée par la sexualité. Le personnage du Grand Inquisiteur, dont la caractérisation est d’être totalement étranger à la problématique du désir, fonctionne en fait souterrainementcomme la face moralement irréprochable d’une figure clivée, celle du père, et sert, même contre ses propres convictions, les désirs coupables de l’autre face de cette figure, le « mauvais père ». A ce titre, Baudoin rapproche d’ailleurs la fin de Torquemada et celle de Quatre-vingt-Treize : en effet, selon lui, ce que ces narrations ont de symboliquement troublant – ce qui, pour Charles Baudoin, révèle la culpabilité de Hugo à vouloir dépasser le père -, c’est que les récits font éclater la division manichéenne de la figure du père en deux entités ( le « bon » père, Cimourdain et Torquemada, et le « mauvais » père, Lantenac et le Roi ) : c’est le « bon » père qui met à mort le fils, et non le « mauvais ». D’ailleurs, si l’on considère que Torquemada et le Roi ne sont que deux face du même personnage, la filiation avec Frollo apparaît : l’Inquisition est une arme par laquelle le père délaissé se venge des enfants qui, en vivant eux-mêmes une relation amoureuse, l’ont supplanté.
Du point de vue symbolique, le Grand Inquisiteur représenterait donc une figure symbolique centrale, celle du père vengeur qui châtie ses enfants de vouloir accéder à l’âge adulte – c’est à dire à penser par eux-mêmes, et à fonder eux-mêmes une famille. Le Grand Inquisiteur est celui qui refuse à l’autre le droit de conscience, et qui lui impose ses convictions, sans discussion possible.
Après Hugo : Le Grand Inquisiteur comme pouvoir d’aliénation.
L’imaginaire de Hugo sur l’Inquisition est un moment essentiel de l’évolution du personnage au XIXème siècle, en ce qu’il incarne un pouvoir qui justifie son système coercitif par sa volonté de « rééduquer », de « sauver » l’individu – un des critères du pouvoir moderne mis en évidence par Michel Foucault dans Surveiller et Punir. Mais l’évolution du personnage se poursuit vers une efficacité encore plus effrayante, celle de persuader la victime elle-même du bien-fondé de la persécution. Jusqu’à Hugo, le Grand Inquisiteur peut réduire au silence, par la violence, les voix divergentes. Après Hugo, préfigurant les problématiques du XXème siècle, il est capable de briser les résistances en profondeur, amenant l’autre à renoncer de lui-même à braver son autorité. Son autorité, dans les représentations, fonctionne, au XIXème, avec la coercition ; plus le XXème siècle approche, plus il fonctionne par la persuasion, l’aliénation. La torture cesse d’être physique pour devenir essentiellement morale, et se cache sous une bienveillance et une douceur de façade.
Le premier à avoir perçu cette dimension du personnage est Dostoïevski, dont le texte paraît en 1880, pratiquement en même temps que le Torquemada de Hugo, qui, lui, date de 1882. Il condamne Jésus lui-même, en posant le désir d’obéissance aveugle du peuple, effrayé par la liberté de conscience que voulait leur offrir le Christ : « Il n’y a pas de plus constant et de plus torturant souci chez l’homme libre que celui de se donner un maître au plus vite (…) As-tu donc oublié que l’homme préfère la quiétude de l’âme et même la mort au libre choix entre le bien et le mal ? (…) Nous saurons les convaincre d’ailleurs qu’ils ne seront libres qu’à partir du moment où ils auront renoncé à faire usage de leur liberté et l’auront abdiquée pour se soumettre à nous. Sera-ce la vérité que nous leur dirons ou un mensonge ? Il ne tarderont pas à s’apercevoir que c’est la vérité (…) Nous leur prouverons qu’ils sont sans force, de pauvres enfants, mais que le bonheur de l’enfance est le plus doux de tous. Ils deviendront timides, ils nous regarderont comme leurs protecteurs et se serreront contre nous craintivement, pareils à des poussins autour de leur mère » [26]. Cette évolution se marque notamment en France avec « Les Amants de Tolède », de Villiers, publiée en 1887 : pour détacher les deux amoureux dont il bénit le mariage des plaisirs de la chair, il n’utilise en apparence ni la peur ni la violence – il leur parle avec douceur, et se contente de les attacher l’un à l’autre par des liens de cuir parfumé - mais parvient par ce procédé à créer chez eux une répulsion physique éternelle pour l’autre. A ce moment, comme le pointe Zola dans Rome, en 1895, le pouvoir absolu, inquisitorial, n’est plus aux dominicains, ordre marqué par l’intolérance violente et brutale, mais aux jésuites. Cette nouvelle image de l’Inquisiteur est incarné par Mgr Nani, à la tête du Saint Office, homme raffiné, aimable et mondain : c’est lui qui, tout en donnant l’impression de soutenir le projet du héros, jeune prêtre idéaliste voulant redonner à l’Eglise son rôle social, l’amène en fait sans en avoir l’air à renoncer à publier ce programme. Il s’oppose en cela au Père Dangelis, le dominicain, inquisiteur « à l’ancienne » sur le modèle du Torquemada de Hugo, incarnation d’un pouvoir obsolète, comme le montrent les réflexions du héros lui-même :
« Ah ! ces Dominicains, il n’avait jamais songé à eux sans un respect mêlé d’un peu d’effroi. Pendant des siècles, quels vigoureux soutiens ils s’étaient montrés de l’idée autoritaire et théocratique ! L’Eglise leur avait dû sa plus solide autorité, ils étaient les soldats glorieux de sa victoire. Tandis que Saint François conquérait pour Rome les âmes des humbles, Saint Dominique lui soumettait les âmes des intelligents et des puissants, toutes les âmes supérieures. Et cela passionnément, dans une flamme de foi et de volonté admirables, par tous les moyens d’action possibles, par prédication, par le livre, par la pression politique et judiciaire. S’il ne créa pas l’Inquisition, il l’utilisa, son cœur de douceur et de fraternité combattit le schisme dans le sang et le feu. (…) Il s’attaquait aussi à la science, il la voulut sienne, il fit le rêve de défendre Dieu par les armes de le raison et des connaissances humaines, aïeul de l’angélique Saint Thomas d’Aquin… Et ce fut ainsi que les Dominicains emplirent le monde, soutenant la doctrine de Rome dans les chaires célèbres de tous les peuples, en lutte presque partout contre l’esprit libre des Universités, vigilants gardiens du dogme… Mais aujourd’hui, Pierre (…) se demandait de quelle utilité ils pouvaient encore bien être, ces ouvriers d’un autre âge, avec leur police et leurs tribunaux morts sous l’exécration, leur parole qu’on n’écoute plus, leurs livres qu’on ne lit guère, leur rôle de savants et de civilisateurs fini, devant la science actuelle, dont les vérités font de plus en plus craquer le dogme de toutes parts. » [27]
L’avenir appartient à l’Inquisiteur suffisamment au fait des mécanismes de l’âme humaine pour parvenir à exercer une emprise totale sur la conscience. Ainsi, au siècle suivant, l’image de l’Inquisition sera reprise par des auteurs comme Zamiatine ( Nous Autres ), Orwell ( 1984 ) ou Morand ( « Le Dernier jour de l’Inquisition », 1947 ) pour dénoncer les techniques d’endoctrinement des régimes totalitaires – mais aussi pour reconnaître leur redoutable efficacité.
Conclusion.
Le personnage du Grand Inquisiteur a fasciné les auteurs du XIXème siècle, au premier rang desquels Hugo, et nous fascine encore en tant que lecteur, car il permet de mettre en scène cette extémité où les contraires se rejoignent – où la vertu absolue devient diabolique, où l’amour de l’humanité devient criminelle, où le père protecteur devient assassin. Pascal le disait déjà : « Qui veut faire l’ange fait la bête » ; Le Grand Inquisiteur est cette figure de l’être qui, refusant chez lui et chez les autres toute faiblesse, ne peut que détruire. Il incarne l’envers du héros que l’on admire, qui rétablit l’ordre après le chaos : il représente un pouvoir injuste et sans appel, fourvoiement d’une autorité expéditive mais qui, dans certaines circonstances, peut sembler providentielle. Ce personnage, par sa caractérisation ambivalente d’un être qui cherche à « sauver » l’âme par des moyens radicaux, ouvre de nombreux doutes, car il brouille la limite entre les bons et les méchants, notamment en complexifiant l’opposition des Lumières, entre catholiques fanatiques, adeptes d’un pouvoir obscurantiste, qui se construit exclusivement sur l’oppression de l’individu, et républicains éclairés, animés d’un projet d’éducation et d’émancipation du peuple. Le XIXème siècle a cherché à résister à l’emprise destructrice d’un tel personnage en assumant dans sa représentation littéraire à quel point sa conviction et son énergie peuvent sembler admirable et séduisante – le XXème siècle mesurera d’autant plus, avec l’avènement des totalitarismes, les dangers de ce pouvoir paternaliste absolu, qui exclut toute conscience individuelle.
[1] Ch.Dellon, Relation de l’Inquisition de Goa [1709], Chandeigne, Paris, 1997.
[2] Diderot et D’Alembert, Encyclopédie, article « Inquisition »
[3] Voltaire, Dictionnaire Philosophique, éd. A.Pons, Gall., « Folio Classique », 1994, p. 326.
[4] V.Hugo, La Légende des siècles, Première série, éd. C.Millet, LP, Paris, 2000, Section X : « Les raisons du Momotombo », v. 37 à 40.
[5] D.A.F.de Sade, Aline et Valcour, éd. J.M. Goulemot, LP Classique, Paris, lettre XXVIII, 1994, p.596-597.
[6] P.Mérimée, « Le Ciel et l’Enfer », in Le Théâtre de Clara Gazul (1825), éd. P.Berthier, Gall. « Folio », Paris, 1985.
[7] T.Gautier, Voyage en Espagne, éd. P.Berthier, Gall., « folio classique », Paris, 1990, ch.X, p.207-208.
[8] E.Peters, Inquisition, The Free Press, New York, 1988, p. 214.
[9] V.Hugo, Torquemada, Deuxième Partie, Acte III, sc. IV.
[10] P.Mérimée, « La Femme est un diable » in Le Théâtre de Clara Gazul, éd. P.Berthier, Gall., « Folio classique », Paris, 1985, p. 156.
[11] V.Hugo, Ibid., Première partie, Acte I, sc. VI.
[12] Ibid., Deuxième partie,Acte II, sc. V.
[13] P.Larousse, Grand Dictionnaire Universel du XIXème siècle, C.Lacour, « Rédiviva », Nîmes, 1991, article « Robespierre », t.20, p.1258.
[14] Ibid., article « jacobin », t.13, p. 865.
[15] P.Morand « Le dernier jour de l’Inquisition », in Nouvelles Complètes, Paris, Gall., « Pléiade », Paris, t. II, 1992, p.622.
[16] H.C.LEA, Histoire de l’Inquisition au Moyen-Age, trad. S.Reinach, éd. R.Laffont, « Bouquins », 2004, Paris, p. XXIX.
[17] E.Renan, Souvenirs d’Enfance et de jeunesse, cité par L.Bloy, Exégèse des Lieux communs, article « Inquisition », Mercure de France, Paris, 1925.
[18] V.Hugo, Choses Vues, « Le Temps présent jusque 1844 », éd. S.Gaudon, in Œuvres Complètes, t.6 : « Histoire », Paris, 1987, p. 802.
[19] J.Michelet, Histoire de la Révolution Française, R.Laffont, « Bouquins », Paris, 1993, t. I, p.413.
[20] F.Dostoievski, La Légende du Grand Inquisiteur ( extrait des Frères Karamazov ), l’Insomniaque, Paris, p.19.
[21] V.Hugo, Torquemada, Première partie, Acte I, sc. V.
[22] Ibid., Acte I, sc. VII.
[23] H. de Montherlant, Le Cardinal d’Espagne, Gall., « Folio », Paris, Acte I, sc. V, p.34.
[24] V.Hugo, Ibid.
[25] S.Freud, « Dostoïevski et le parricide », trad. J-B. Pontalis,reproduit en introduction à l’édition des Frères Karamazov, éd. H. Mongault, Gall., « Folio », Paris, 1977.
[26] La Légende du Grand Inquisiteur de Dostoïevski commentée, trad. L.Jurgenson, l’Age d’Homme, Lausanne, 2004, pp. 40 sq.
[27] E.Zola, Rome, éd. J.Noiray, Gall., « Folio classique », 1999, Paris, p.525.